L’église Saint Laurent

L’église Saint Laurent de Corancez 

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Dans la nuit du 4 au 5 août 1938, un incendie allumé par la foudre a dévasté l’église de Corancez, Charpente, lambris, mobilier, tout ce qui était combustible a disparu en quelques heures, et seuls les murs sont restés. Néanmoins, elle est un témoignage, non dénué d’intérêt, de l’histoire de la commune. Depuis la loi de séparation de l’Église et de l’État républicain de 1905, les édifices religieux sont devenus propriété des communes, qui sont tenues d’en assurer l’entretien. L’église de Corancez est donc un bâtiment communal.
Ce qui suit montre certains aspects architecturaux de l’église actuelle, et s’efforce de retracer les différentes étapes de sa construction. Ce texte peut aussi être utilisé pour une éventuelle visite détaillée de l’édifice.
L’église de Corancez appartient à ce qu’on pourrait appeler, dans notre région, la deuxième génération d’églises rurales, c’est-à-dire qu’elle est du nombre de ces églises de pierre qui ont remplacé, à l’époque romane, les primitives églises de bois dont il n’est rien resté. Sa construction, abstraction faite des parties plus récentes telles que la tour, remonte vraisemblablement au Xllème siècle.
Le plan primitif paraît avoir comporté trois travées carrées, mesurant environ 6 mètres de côté, délimitées par des contreforts, et formant une nef unique terminée par une abside semi-circulaire orientée à l’est.
Les murs latéraux ne sont pas parallèles : la largeur intérieure, qui est de 6m 80 au revers de la façade ouest, n’est plus que de 6m 20 à la naissance du chevet. La première travée est à peu près carrée. Hauts de près de 6 m, et épais d’environ 75 cm, les murs sont en maçonnerie de cailloux, mais les contreforts, les entourages des baies et la corniche sont en pierres taillées et appareillées, provenant sans doute des carrières de Berchères. Les murs sont épaulés par des contreforts, dont neuf appartenaient à la construction primitive : deux à chacun des angles de la façade occidentale, les deux qui séparent la première travée de la seconde, et trois à l’abside.
C’est sans doute au XVIéme siècle que les murs latéraux ont été renforcés par des contreforts qui n’appartiennent pas à la construction primitive ; on en remarque un au nord et deux au sud ; l’escalier de la tour été collé à l’un d’eux.
Quant aux fenêtres, quatre seulement n’ont pas été remaniées : celle qui surmonte le portait principal, les deux premières à gauche et la seconde à droite. Elles sont de petite taille, caractéristiques d’une construction de type roman. À l’usage, sans doute trouva-t-on rapidement la bâtisse trop peu éclairée. Parmi les fenêtres remaniées, il en est deux qui paraissent avoir été agrandies dès le Xllème siècle : la première et la troisième du côté sud. Cinq autres – les trois du chevet ; une, au sud, entre la tour et l’abside ; une du côté nord, vers le milieu de l’édifice – datent, dans leur état actuel, d’une époque beaucoup plus tardive, peut-être la première moitié du XVIème siècle. Ces cinq fenêtres, dont trois sont aujourd’hui bouchées totalement ou en partie, sont reconnaissables à leur forme en arc brisé et à leur mouluration intérieure et extérieure. Elles ont certainement été divisées par un meneau, (traverse de pierre)
Une porte latérale, du côté sud, donne accès dans l’église. Elle s’ouvre, dans la première travée, au-dessous de la seule fenêtre qui, de ce côté n’ait pas été remaniée. Sans aucun ornement, cette porte est recouverte d’un linteau surmonté d’un arc de décharge. Elle était naguère précédée d’un petit porche qui avait l’avantage de protéger contre les intempéries. Ce porche a disparu vers 1912.
Le portail principal, dans la façade ouest, comporte un arc en plein-cintre, sans tympan, supporté par deux colonnes dont les fûts sont logés dans des angles rentrants. Les chapiteaux de ces colonnes, d’une grande simplicité, sont les seuls éléments sculptés de tout l’édifice. Dans le tableau du jambage de gauche s’ouvre une profonde cavité ; elle servait à loger une forte barre de bois, de section carrée qui, une fois tirée et engagée par une de ses extrémités dans une cavité semblable, mais moins profonde, ménagée dans le jambage de droite, maintenait les vantaux solidement fermés.
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C’est l’examen de ce portail qui permet de dater avec une certaine précision l’église de Corancez : sans doute au cours du second quart du Xllème siècle, soit entre 1125 et 1150. C’est alors le règne de Louis VII le Pieux, auquel succédera le plus connu Philippe Auguste.
En bas du mur, à gauche du portail se trouve une borne topographique indiquant l’altitude du lieu : 109 m
La plupart de nos églises ont été agrandies dans les dernières années du XVème siècle ou au cours de la première moitié du XVIème. Celle de Corancez a reçu deux additions : une chapelle latérale, au nord, aujourd’hui disparue, et, au sud, une tour, de construction massive.
Seuls deux grands arcs murés témoignent de l’existence de la chapelle, dont seuls des sondages dans le sol du cimetière pourraient faire connaître les dimensions exactes. Il est possible qu’elle ait été voûtée ; on remarque, en effet, dans le mur formant aujourd’hui la paroi extérieure de l’église, des demi-colonnes qui s’arrêtent à une hauteur qui correspondrait aux retombées de la voûte supposée. Du côté intérieur, des colonnes semblables montent jusqu’au sommet du mur. Lorsque la chapelle a été démolie, on a ménagé une fenêtre dans le sommet de l’arc le plus éloigné du chevet, et une autre fenêtre, plus petite, aujourd’hui murée, dans le sommet de l’autre arc.
La tour est une belle construction de la première moitié du XVIème siècle, élevée hors d’œuvre, du côté sud. Épaulée par de puissants contreforts, elle est bâtie selon un plan carré ; une tourelle d’escalier lui est accolée sur sa face ouest. Elle comprend deux étages. Le rez-de-chaussée, qui, jusqu’à l’incendie de 1938, servait de sacristie, forme une salle couverte d’une voûte sur croisée d’ogives, dont les nervures ont un profil usuel à la fin de l’époque gothique ; cette salle est éclairée par deux fenêtres en plein cintre, et un grand arc, de même tracé, la fait communiquer avec l’église. L’escalier conduit au premier étage, éclairé seulement par de petites baies rectangulaires. C’est là que se trouvait le beffroi où était suspendue la cloche. Avant l’incendie, il y avait au-dessus un comble en forme de hache, couvert d’ardoises, avec des lucarnes et une crête ajourée complétée par deux épis dont l’un portait la croix et le coq traditionnel. Ce comble datait seulement de 1902 ; il en avait remplacé un autre, beaucoup plus simple, dont les deux versants tournés vers l’est et vers l’ouest, avaient une couverture en tuiles, et dont les deux pignons étaient formés par des cloisons en colombage et maçonnerie légère. L’église actuelle ressemble beaucoup à cela.
On peut se rendre compte que la tour, même avant d’être décapitée par l’incendie, n’était pas terminée selon ce que prévoyait le projet primitif. L’étage supérieur, très peu ajouré, n’était sans doute pas destiné aux cloches. Par ailleurs, il est certain que l’architecte ne prévoyait pas d’élever la tour plus haut car les contreforts s’arrêtent un peu au-dessous du bandeau qui surmonte les murs.
Un procès-verbal du chapitre de la cathédrale du 23 juin 1738 indique que le sol de la nef possédait à cette époque un dallage en pierre de taille. Le chœur comportait de grands carreaux hexagonaux. Aujourd’hui, l’ensemble est pourvu d’un carrelage ordinaire, blanc et rouge. Seule la nef a conservé son vieux dallage de pierre.
Les pierres tombales marquées d’une croix, dont quelques-unes sont encore visibles, témoignent de l’ancien usage, qui a persisté jusqu’à la fin de l’Ancien Régime, d’inhumer dans les églises. Ces inhumations, cependant, paraissent avoir été exceptionnelles. Depuis 1715, date des plus anciens registres de Corancez, jusqu’à 1790, plus de trois cents inhumations ont été faites dans le cimetière, huit seulement dans l’église. Voici la liste de ces inhumations :
10 septembre 1731 : François-Constant de Brilhac, fils de-Nicolas-Claude de Brilhac, seigneur de Corancez, décédé sur la paroisse de Ver. On sait par le registre de l’église de Ver qu’il était âgé d’environ 10 mois.
17 janvier 1721 : Michelle Fauve, âgée d’environ 18 ans.
13 février 1740 : Marie Fauve, âgée d’environ 33 ans.
22 novembre 1745 : Décès de la « vénérable et discrète personne messire François Christophle »,curé de Corancez, âgé d’environ 57 ans, inhumé le lendemain dans le chœur de l’église.
2 février 1752 : Jean-Jacques Challet, laboureur, âgé d’environ 57 ans, inhumé dans la nef.
29 avril 1757 : Philippe Jouin, laboureur, âgé d’environ 45 ans, inhumé dans la nef.
17 janvier 1703 : François Naille, de Villebourg (diocèse de Tours), « passant mort soudainement, toutefois muni du sacrement de l’extrême-onction, inhumé dans le bas de la nef.
4 janvier 1783, « Maître René-Marie-Antoine Longuet », dernier curé décédé à Corancez avant la révolution, âgé de 52 ans ou environ ; inhumé dans le chœur. Un morceau de son épitaphe a servi à réparer la marche de l’entrée du chœur, du côté de la tour.
Les fenêtres romanes primitives, très étroites, ouvertes très haut au-dessus du sol, n’étaient sans doute pas destinées à être vitrées. Si l’église a possédé d’anciens vitraux de caractère artistique – beaucoup d’églises rurales en ont reçu au XVIème siècle – il n’en restait rien en 1853, un rapport des ponts et chaussées n’y signalait que des vitrages en losanges blancs. Depuis, trois fenêtres -les deux fenêtres restées ouvertes de l’abside et la grande fenêtre du côté nord – avaient reçu des grisailles avec filets et bordures de couleur, mais l’incendie de 1938 les a détruites.
Une modification apportée vers la fin du moyen âge aux églises dépourvues de voûtes en pierre a été le remplacement des combles primitifs par de nouveaux combles, plus aigus que les précédents, et lambrissés intérieurement. On sait que l’église de Corancez a possédé une charpente exécutée, en deux campagnes de travaux, entre le 25 juin 1519 et le 28 février 1521, par te charpentier chartrain Jehan Proust.
La charpente du chœur était ornée de sculptures. On y voyait le soleil, la lune et les étoiles, un gril, instrument de supplice du patron de l’église, Saint Laurent, des grappes de raisin et des gerbes de blé. On y voyait les instruments de la Passion : fouet, couronne d’épines, clous, marteau, tenailles, etc. ainsi que des instruments aratoires. Tout cela a bien sûr disparu lors de l’incendie de 1938.
Les inventaires de l’époque révolutionnaire conservés aux Archives départementales d’Eure-et-Loir nous font connaître en quoi consistait alors le mobilier de l’église. Celui-ci n’avait rien de somptueux, conforme à l’ordinaire d’une petite paroisse rurale.
Les objets d’argent (calice, patène, ostensoir, ciboire, custode…), furent portés au bureau des Domaines nationaux du directoire du district de Chartres le 28 nivôse an II (12 janvier 1794), tout comme les ustensiles de cuivre et l’une des cloches, Parmi les objets qui restèrent « dans la ci-devant église de Corancez » renommée pendant la période révolutionnaire « temple de la raison », certains existaient encore lors de l’incendie : la chaire, quelques boiseries ou les fonts baptismaux, lesquels étaient très détériorés. L’autel détruit tors de l’incendie datait du milieu du XIXème.